Les obsèques : Même dans la mort, les défunts ont de la valeur

Article : Les obsèques : Même dans la mort, les défunts ont de la valeur
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31 octobre 2014

Les obsèques : Même dans la mort, les défunts ont de la valeur

 

Il est de coutume de porter assistance et soutient à l’autre, quand il est dans le besoin ou traverse une situation difficile. C’est possible que demain, ce soit toi dans cette situation puisqu’on ne sait jamais ce qui peut arriver. C’est « l’homme qui fait l’homme » dixit un comédien local, « c’est une main qui lave l’autre », affirme un proverbe de chez moi. Cela est vrai.

L’une des valeurs grâce auxquelles la société africaine est encore vivable, c’est bien cette solidarité qu’il y a entre les gens. La famille est grande, sacrée. Les relations sociales qui se tissent autour d’elle sont profondes. Alors, vous verrez tout le monde converger aux obsèques des parents ou  proches de l’un, avec l’espoir qu’en retour, on vienne à ceux des leurs s’ils sont encore en vie. C’est donc gagnant-gagnant, un investissement dont on espère les retombées. Dans le cas ou tes parents sont déjà décédés et enterrés, tu ne te presses plus pour aller aux obsèques des autres, puisqu’ils ne peuvent plus te renvoyer l’ascenseur.

Pourquoi c’est ainsi?

Les assistances financières que l’on donne à la famille du défunt y sont pour beaucoup. C’est très important. Le « défunt », il faut l’exploiter jusque dans sa tombe. Surtout s’il est « un grand quelqu’un », notoire.

La valeur du défunt est fonction de qui il était, de ses fréquentations. On s’attend donc à moins de bénéfices des obsèques d’un simple paysan que de ceux d’un député par exemple. C’est tout à fait logique. Alors dans les deux cas, les investissements sont calculés. Y aura-t-il assez d’enveloppes pour moi ?? Est-ce que je n’investirai pas à perte ??

Dans le cas des obsèques du député, ses enfants consentiront facilement à sortir beaucoup d’argent de leurs poches pour installer de longues tentes en bâche pour abriter les invités ou faire appel à des services traiteurs pour servir des repas de qualité ; car ils sont sûrs de tirer des profits. Il y aura des confrères députés de papa qui viendront donner de grosses enveloppes à la famille ; il y a une assistance financière que l’assemblée nationale donne aux familles des confrères décédés. Etc…

Les enfants du paysan consentiront moins  à beaucoup investir. C’est ainsi que vous verrez la famille se réunir successivement pour fixer les montants que chacun devra verser pour « enterrer » son vieux ou sa vieille ; montant que la plupart n’a jamais d’ailleurs. Ils ne viendront donc même pas aux obsèques de leur propre mère, juste pour ne pas essuyer la honte de ne pas avoir contribué à l’organisation. C’est vous dire combien c’est important.

Comment s’y prend-on ?

Quand le monsieur est « un grand quelqu’un », ses enfants rivalisent d’investissements. Chacun, en plus de l’organisation collective, prévoit un lieu pour accueillir ses propres « followers ».Oui, tous eux qui viennent aux obsèques ne connaissent pas forcément le défunt. Ils viennent parce que c’est le papa, le beau papa, de tel ami, ou telle copine, etc… Donc les enveloppes financières seront partagées, divisées, la cagnotte sera répartie. Celui qui tirera le gros lot sera celui qui aura le plus d’amis ou d’invités.

Certains enfants même, préparent les obsèques de leurs parents de leur vivant… (Quand ils arrivent à un certain âge, il ne leur reste que la mort, à ces vieux) rires…Il vaut mieux se préparer pour le jour J.

Même les simples faire-part sont délicats à confectionner. Chaque enfant légitime veut voir son nom et sa profession y figurer ; omettre quelqu’un c’est comme ne pas le considérer, ça peut créer de sérieux conflits.

La maquette est scrutée minutieusement. Les couleurs, les fleurs, le nombre de pages, le format, etc. (Le plus étonnant, vous trouvez presque toujours une croix de jésus ou une icône de la vierge marie et des versets bibliques même si le défunt était un charlatan confirmé et notoire de son vivant) rires

Une fois confectionnés, on dresse la liste des « autorités », les privilégiés sur qui on compte pour donner des enveloppes de poids pendant les obsèques. On calcule déjà ; ceux-ci ne peuvent pas  donner  moins de 10.000f, ceux-là, au moins 5000 chacun. On fait les estimations et projections. On dresse le « burrial plan » (par opposition au business plan) rires. Et puis à la fin des obsèques on tient les comptes, voir si le bilan est passif, si on a un défaut de trésorerie ou si au contraire, la balance est excédentaire. Si le défunt avait contracté des dettes là, c’est dans les bénéfices on va s’acquitter d’elles !

Il peut aussi arriver que les obsèques ne rapportent pas assez, ou moins que prévu. Parfois il arrive qu’à certaines obsèques, la plupart des personnes  ne fassent pas beaucoup d’assistance financière quand elles constatent que la famille du défunt est déjà aisée. (Ils n’auront pas besoins de mes sous se disent les gens).

C’est tellement important de bien organiser les obsèques qu’on en fait des comparaisons. Vous entendrez dire que les obsèques du père de ceux-ci étaient mieux par rapport à ceux-là. Ceux-ci ont bien enterré leur maman ; ces obsèques étaient bien gras (parce qu’ils  auront tué deux ou trois vaches, et une dizaine de moutons en plus, et que la tente était longue de 100 mètres). Alors pour bien faire, certaines familles n’hésitent pas à s’endetter par des crédits auprès des institutions financières. Il en résulte qu’à certaines obsèques, tu te demandes si on pleure un mort, ou si au contraire, on se réjouit de la mort du défunt ?tellement il y a à boire et à manger, et on oublie même celui qui n’est plus. Bien sûr, dans les cultures ou les obsèques normalement sont des fêtes, le problème ne se pose pas, et cela ne heurte personne.

 

Il faut le faire. C’est la dernière fête qu’on offre au défunt, il faut donc bien l’organiser. Mais faut-il en faire un business ??Cette question ne saurait avoir de réponse négative ; les faits culturels ne se modifient pas si facilement. Bon alors de votre vivant, œuvrez pour devenir de « grands quelqu’un » pour que  vous ayez de la valeur et que votre mort profite à vos enfants. En tout cas, les risques de faillite après l’organisation de grandioses obsèques ne sont pas loin ; avec la crise actuelle, vous aurez certainement plus de billets de cinq cents que ceux de dix mille francs CFA. Rires.

Nous savons tous que c’est comme cela que les choses se passent. Quand je parle de vous, c’est de nous qu’il s’agit.

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Commentaires

Christophe Carlier
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Merci beaucoup pour ce partage d’information. C’est un sujet dur quand quelqu’un proche de nous passe de cette vie. On voudrait se rappeler de cette personne et c’est pour cela que le service d’obsèques doit être bien organisé. J’apprécie comment vous avez dit que c’est la dernière fête qu’on offre au défunt. On doit le faire avec respect et amour. Merci encore !
-Chris | https://www.serenia.ca

Gilbert LOWOSSOU
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Je suis content que cela ait été utile! Merci de me lire souvent.
Bien de choses à vous